L’abandon(Les deux amies) 1895
Toulouse-Lautrec a énormément fréquenté les femmes, sa fortune personnelle lui permettait de fréquenter assidûment les meilleurs bordels de l’époque. Véritable obsédé sexuel, mais s’assumant complètement en tant que tel, il était d’un caractère très humain et respectait les prostituées avec lesquelles il couchait. Il en peignit beaucoup et engagea de véritables relations d’amitiés avec plusieurs d’entre-elles. Sinon malgré une foison d’études sur le personnage on ne sait pas grand-chose de sa sexualité (quelle pouvait être sa position préférée ?) On a tout de même relevé un penchant pour l’exhibitionnisme, puisqu’il alla jusqu’à se faire photographier tout nu sur la plage de Trouville avec pour seule parure le boa d’une de ses maîtresses, la danseuse vedette du Moulin Rouge, Jane Avril.
Comme client mais aussi parce qu’il préfère le naturel des prostituées aux attitudes figées des modèles professionnels, Lautrec fréquente les maisons closes, en particulier celle de la rue des Moulins où il va séjourner.
Le monde de la prostitution lui inspire de nombreuses toiles qui cependant sont dénuées de voyeurisme ou de jugement moral.Salon de la rue des Moulins 1894
La maison close du XIXe siècle « était un endroit de détente aussi ordinaire et naturel qu’un autre ». Elle est partie intégrante de la vie sociale, les hommes d’affaires respectables ou les jeunes gens s’y rencontrent habituellement et sans devoir se cacher. Les étudiants et lycéens ont pris l’habitude de s’y rendre, et ils les monopolisent les jeudis après-midi et pendant les vacances scolaires. On a une lettre de Proust adolescent demandant à son grand-père de l’argent de poche pour pouvoir se rendre dans l’un d’entre eux.De 1870 à 1900 environ, il y a 155 000 femmes officiellement déclarées comme prostituées, mais la police en a arrêté pendant la même période 725 000 autres pour prostitution clandestine. Au point qu’en 1911, le préfet de police Lépine autorisait des « maisons de rendez-vous » où les prostituées ne vivent pas, mais où elles viennent seulement pour travailler. À côté de ces maisons existent des brasseries qui sont des cafés à serveuses « montantes » : 115 à Paris dans les mêmes années. Sans compter les parfumeries, ou les instituts de bains et de massage. La police estime à 40 000 clients par jour la fréquentation des diverses maisons, ce qui équivaudrait à dire que le quart des hommes parisiens avait des relations avec les prostituées.La visite médicale 1894
La France moderne et contemporaine a souvent utilisé la réglementation plus que la prohibition. Ainsi, en janvier 1796, sous l’impulsion du Directoire, Napoléon fait établir le registre de la prostitution parisienne. En 1802, on établit la visite médicale obligatoire des prostituées pour endiguer l’épidémie de syphilis de l’époque. Dans un temps où les femmes, n’ayant pas accès à l’université et ne pouvant donc pas être médecins, cette « visite médicale », perçue comme plus dégradante qu’une passe avec le client, était aborrhée par les prostituées.
Les filles de rue sont alors dites « en carte » et celle des maisons closes sont dites « à numéro ». Les « insoumises » sont punies. Cette position dure jusqu’en 1946, date à laquelle Marthe Richard fait fermer les 1 500 maisons closes françaises.
HENRI DE TOULOUSE-LAUTREC.